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Captation carbone : quelles solutions choisir ?

Le dernier rapport du GIEC le rappelle. La feuille de route est claire : Mesurer, Réduire et il faudra Capter. En France, Mesurer se fait à travers une méthode standardisée, développée initialement et poussée par l’Association Bilan Carbone, l’ADEME et des cabinets d’audit spécialisés comme Sami.

Qu’est-ce que la captation carbone ?

Capter est encore un sujet complexe et mal reconnu. En effet la notion de Compensation est associée à une forme de « droit à émettre du CO2 » et a largement perturbé le discours, et les recherches, sur la Captation.

La mauvaise qualité des crédits carbone volontaires à l’international et l’insuffisance parfois des suivis des projets sont autant d’éléments qui expliquent la mauvaise réputation de la Compensation et de ce fait de la Captation.

Le site Novethic a récemment fait un point sur le sujet.

Dans le domaine de la capture du CO2, on a deux grandes familles : celle des solutions industrielles CCUS (Carbon Capture Utilization or Storage), qui comprend le DAC (et le DACCS) et celle des NBS (Nature Based Solutions), ou SfN, Solutions fondées sur la Nature, en français.

Trees-Everywhere se situe dans la famille NBS ou SfN par la reforestation.

Aerial photo of Hrodna forest (Augustow forest)

 

Quelles sont les techniques de CCU ?

Les techniques de CCU sont en général fondées sur la capture du CO2 là où il est en plus forte concentration, à la sortie des cheminées de centrales électriques à carburants fossiles, d’usines pétrochimiques, de cimenteries ou d’usines sidérurgiques.

Ces usines sont, pour l’Europe, soumises au régime des quotas UE et doivent donc

1° soit baisser leurs émissions, à volume de production constant,

2° soit acheter des quotas, ce qui baisse leur rentabilité,

3° soit payer des amendes, qui baissent encore plus leur rentabilité.

Il y a de ce fait un mécanisme d’auto-ajustement (les quotas octroyés à une installation sont régulièrement abaissés) qui amène le cout des quotas ou amendes à réduire la rentabilité des installations les plus polluantes en termes de CO2, jusqu’à leur fermeture éventuelle.

A contrario, les entreprises les plus innovantes qui parviennent à faire baisser leurs émissions, à activité constante, voient leur rentabilité stabilisée ou accrue par la vente de quotas à d’autres moins vertueuses.

Évidemment, l’extraction du CO2 des fumées a un coût, d’une part un coût d’investissement et d’autre part un surcoût d’exploitation. Celui-ci est un coût énergétique, c’est à dire celui de l’énergie nécessaire pour extraire le CO2 des fumées, soit le coût de perte d’efficacité de l’installation globale.

On estime à 10 à 25% la perte d’efficacité énergétique, ce qui est loin d’être neutre évidemment pour l’exploitation d’une centrale électrique au charbon ou une cimenterie.

On comprend aisément que toutes choses égales par ailleurs, plus la quantité de CO2 dans la fumée est faible, plus la dépense énergétique pour l’isoler est élevée, ou a contrario, plus la densité de CO2 est forte, plus l’extraction à dépense énergétique constante sera rentable.

La technique permet d’absorber 15 à 80% de concentration de CO2.

Ce qui veut dire :

  • 15% de CO2 = 1,5 kg pour 10kg de fumée
  • 80% de CO2 = 8 kg pour 10kg de fumée

En bonne logique économique et industrielle, on devrait commencer par extraire le CO2 de sa source la plus concentrée et progressivement aller vers celle à la plus faible concentration.

L’investissement (CAPEX) et l’exploitation (OPEX) du CCU sont donc d’autant plus rentables que le taux de CO2 en sortie de cheminée est élevé.

Une fois que le CO2 est capté, on le liquéfie et, soit on peut en faire une matière première pour autre chose : CCU (matériaux pour le bâtiment, fuel synthétique etc), soit on lui cherche une forme de stockage la plus permanente possible : le CCS.

Le CCS consiste donc à injecter le CO2 capturé et liquéfié dans un stockage pérenne, sous le sol ou sous l’océan.

Les industriels de la zone du Grand Port Maritime de Dunkerque sont par exemple très engagés dans cette démarche de CCU, parce que collectivement ils représentent les plus grosses émissions industrielles de CO2 en France. Chaque année une conférence est organisée qui permet de partager des idées et mesurer des progrès.

… et le DAC alors ? Une approche techniquement et économiquement aberrante

Direct Air Capture + Carbon and Storage (DACCS)

Après 200 ans de consommation de carburants fossiles, nous sommes à 420ppm de CO2 dans l’atmosphère : 4,2 g pour 10kg d’air, contre environ 300 avant la révolution industrielle.

C’est considérable en termes d’effet de serre, mais dérisoire par rapport aux opportunités de sortie de cheminée : 4, 2 g contre 1,5 à 8 kg de CO2 pour 10kg de fumée traitée.

Le DAC a donc la prétention d’extraire du CO2 qui serait 350 à 1900 fois moins concentré que celui qu’on trouve à la sortie des cheminées d’usines concernées par le CCUS.

Cela veut dire que toute choses égales par ailleurs, il faudra 350 à 1900 fois plus d’énergie…

Cette analyse démontre le risque de gaspillage.  On aurait certainement pu faire un meilleur usage de cette énergie, quelle qu’en soit l’origine, renouvelable ou non.

Tant que l’on n’a pas récupéré le CO2 de toutes les installations industrielles, on peut considérer que la DAC est donc au minimum une futilité, du greenwashing, voire une escroquerie technique ou financière.

Le site Recharge « explique que le monde a utilisé en 2020, 462 exajoules (EJ) d’énergie fossile fuels, qui ont entrainé l’émission de 32 Giga tonnes de CO2. Capturer ce CO2 par la technique du DAC (qui extrait ce GES de l’air ambiant) exigerait une source d’énergie équivalent à 448EJ, selon les calculs de la société australienne Keynumbers ».

Néanmoins, cette solution semble attirer nombre d’investisseurs et un leader suisse du secteur a ainsi levé 600m€ pour décupler sa capacité de production. Aujourd’hui son usine islandaise ORCA capterait théoriquement 4000 t de CO2 par an pleine capacité (elle s’est récemment arrêtée à cause du froid). Elle ne peut capter qu’en utilisant une énergie décarbonée quasi gratuite, la géothermie, liée à la géologie volcanique particulière ou unique de l’Islande.

MAIS 4000 t de CO restent encore dérisoires et certainement pas à l’échelle des enjeux climatiques…

– c’est ce que capteraient 20 000 arbres sur 30 ans.

-c’est équivalent à l’empreinte carbone de 400 français (sur 67 millions…),

….donc c’est un microscopique prototype, pas une solution à l’échelle.

Si cette usine ORCA est décuplée en capacité grâce à cet investissement de 600m€, et qu’on mesure cela sur 10 ans, cela veut dire qu’elle capterait 40 000 t CO2 par an, soit un cumul de 400 000 t sur 10 ans pour un cout d’investissement de 1 500€ par t de CO2 capté, sans compter les couts opérationnels, fondés sur un prix réel de l’énergie de masse non-carbonée..

Pour que cette technologie DAC soit mise en œuvre à l’échelle de nos enjeux climat, il faudrait construire des dizaines ou centaines de réacteurs nucléaires, ou des milliers ou dizaines de milliers d’éoliennes ou d’hectares de champs de panneaux photovoltaïques.

On peut aussi penser à des réacteurs à fusion nucléaire, mais la technologie n’existe même pas encore à l’état de prototype fonctionnel et on ne l’attend donc pas avant 50 ans…

Cette technologie de DAC n’a aucune vraisemblance, ni en termes techniques, ni énergétiques, ni financiers, avant des décennies au mieux.

Il est de fait impossible de trouver dans la communication d’ORCA sa consommation energétique réelle, c’est pourtant l’élément central de son équation économique.

Des éléments de comparaison de coûts :

  •  Le coût de la technologie CCU est estimée à 50/150€/t selon à la fois la concentration de CO2 du flux utilisé, la source d’énergie et l’usage qui en est fait ensuite.
  •  Le cout d’une tonne de CO2 captée en solution naturelle se situe (pour des projets dans l’UE) entre 100 et 200 €, mais peut sans doute baisser avec une optimisation des méthodes.
  •  Par comparaison le cout du quota d’une t de CO2 sur le marché européen (EU ETS ) oscille depuis le début de l’année entre 60 et 95€, et la BEI estime qu’il pourrait atteindre 350€ vers 2030 puis 850€ vers 2050.

D’après un article publié par Hiyori Yoshida dans la revue de Wharton : « Tant que les scientifiques n’ont pas trouvé un moyen de produire 300 exajoules par an uniquement pour le DAC d’ici 2100, celui-ci sera toujours limité par son énorme besoin énergétique ».

 

Enfin, le même article met en avant le fait que le frein principal « au déploiement du DACCS, est qu’on ne sait pas vraiment quoi faire du CO2 à part l’injecter dans des puis de pétrole vieillissants pour augmenter leur production résiduelle, et allonger la durée de vie de l’industrie du pétrole.

A ce jour, il n’y a pas de prix du carbone dans le monde qui soit suffisant pour rendre la séquestration viable. »

Pour résumer, un arbre :

  • a un « coût » CO2 à la plantation de l’ordre d’un kg (nous reviendrons sur ce point plus précisément à l’automne 2022 quand nous aurons une année de data en plus).
  • ne consomme pas d’énergie produite par l’Homme
  • est un panneau « photovoltaïque » naturel, qui transforme le CO2 en matière organique, la biomasse, et en oxygène.

Enfin un « parc » de capture de CO2 par les arbres s’appelle une forêt, qui peut offrir de très nombreux co bénéfices gratuits : biodiversité végétale et animale, enrichissement du sol, amélioration du cycle de l’eau et enfin rafraichissement local.

Quelle technologie peut sincèrement remplacer ces bénéfices ?

Conclusion :

 

Nous aurons certainement besoin à l’échelle mondiale, de toutes les formes d’énergie décarbonées et d’un grand nombre de solutions de captation carbone, industrielles comme naturelles, tout de suite et pour le siècle à venir.

En effet, il faudra à la fois retirer le trop plein de CO2 de l’atmosphère, celui que nous y envoyons depuis 200 ans, et celui que nous allons continuer à émettre (même en réduisant) jusqu’au complet remplacement des énergies fossiles carbonées.

Nous pouvons en conclure que le CCU et le CCS sont des technologies en maturation mais qui peuvent sans doute contribuer à la baisse des émissions de CO2 de manière significative dans les 20 ou 30 ans qui viennent (donc compatibles avec l’objectif « Net 0 2050 » de l’UE).

  • Le stockage de masse du CO2 est un problème financièrement non résolu dans l’équation économique actuelle, même s’il est techniquement faisable.
  • Le DAC est pour les 20 à 50 ans qui viennent une « escroquerie », financée par les industries pétrolières, qui ne peut avoir aucun impact ni rentabilité économique avant l’arrivée de la fusion nucléaire.
  • Le DACCS rencontrera le même problème de stockage que le CCS.

A contrario, les forêts utilisent une biotechnologie éprouvée et immédiatement disponible, la photosynthèse, dont le cout de mise en oeuvre est aussi faible que parfaitement maitrisé.

Les études de l’ETH Zurich (Global reforestation potential) et de la FAO (European reforestation potential) montrent que les surfaces disponible en font une solution crédible tout de suite, aux côtés des axes de réduction et sans attendre la maturation technologique éventuelle du CCUS et du DACCS.

 

Olivier de Montety

Co Fondateur, Trees-Everywhere

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